En mai 2019, une nouvelle campagne de recherche des débris du moteur de l’A380 d’Air France se déroule sur la pointe sud du Groenland. 19 mois après l’accident en vol dont a été victime le gros porteur, au-delà de la récupération d’une pièce à conviction, ce sont les techniques de recherche qu’expérimentent le BEA et l’AIB, son homologue danois, qui intéressent la communauté scientifique.
Finalement, les seuls éléments du moteur N°4 de l’A380 F-HPJE d’Air France récupérés par les enquêteurs l’ont été dans les jours qui ont suivi l’avarie du moteur, le 30 septembre 2017, à la verticale de la pointe sud du Groenland. L’Airbus A380-800, exploité par la compagnie aérienne Air France, effectuait la liaison Paris (France) – Los Angeles (États-Unis), vol AF066. Il avait décollé de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle samedi 30 septembre 2017 vers 09 h 30 (TU), avec 497 passagers et 24 membres d’équipage à bord. A la suite d’une avarie sur le moteur N°4 alors que l’avion survolait le Groenland, l’équipage s’est dérouté vers l’aéroport de Goose Bay (Canada) où il a atterri à 15 h 42 (TU) sans autre incident. Le glacier a englouti toutes traces et il n’est pas prêt de les ramener à la surface, contrairement au glacier des Bossons, qui chaque été, depuis le début des années 50, exhume des reliques du Lockheed Constellation Malabar Princess d’Air India. « Cette zone, dite d’accumulation, ne subit pas suffisamment de fonte de neige en été pour que les pièces puissent réapparaître à la surface. », précise le BEA dans son rapport d’activité 2018.
Pour les enquêteurs français, il était néanmoins primordial de retrouver le moyeu en titane de la soufflante du moteur (fan hub). Des moyens de détection de pièces sous la neige ou sous la glace ont alors été mobilisés afin de tenter de retrouver le fan hub ou les fragments de celui-ci, le tout dans des conditions singulièrement exigeantes. « L’environnement y est particulièrement hostile, tant par les températures, parfois extrêmement basses, que par la présence de crevasses et par son isolement. »
Une nouvelle campagne de recherche a été menée au printemps 2018. Le BEA a fait appel à l’ONERA qui a mis en œuvre un système expérimental qui n’avait encore jamais été utilisé dans des conditions similaires. « Il s’agissait de tenter de détecter et de localiser les débris sous la surface, à l’aide d’un radar de type SAR (synthetic aperture radar, ou radar à synthèse d’ouverture) avionné sous l’aile sur un Falcon 20 de la société privée française AvDEF (Aviation Defense Service) ; 3 campagnes de survol de la zone ont été réalisées pour un total de 3 semaines sur place. », précise le BEA. Dans un second temps, une campagne de recherche au sol a été menée pendant 4 semaines par une équipe de scientifiques de GEUS (Institut de Géophysique du Danemark et du Groenland).
« Ces deux campagnes se sont succédées en avril et en mai 2018. À l’issue de la campagne aérienne, quelques cibles ont été identifiées, et leurs coordonnées ont été transmises à l’équipe de GEUS pour les recherches au sol. Au cours de celles-ci, il s’est avéré que ces cibles étaient de « faux positifs » : il s’agissait majoritairement de « lentilles de glace » (poches d’eau de fonte re-solidifiées sous la surface). », résume le BEA.
Les recherches n’ont finalement pas permis de retrouver le ou les fragments du fan hub. « Elles feront cependant l’objet d’un rapport dédié qui sera publié sur le site du BEA. Il a été jugé en effet que la recherche de débris en titane sous la neige, en déployant des technologies de pointe dans un environnement particulièrement exigeant, représente un challenge dont les enseignements doivent être partagés. »
À la suite de ces campagnes, l’ONERA a poursuivi un post-traitement des données qu’il avait acquises. Parallèlement, de nouveaux moyens de détection ont été envisagés : en particulier, le groupe d’hydrogéologie de l’Université de Aarhus (Danemark) a développé un détecteur électromagnétique dédié à la détection de pièces en titane. Cela a permis de préparer une Phase III : celle-ci a été lancée officiellement début février 2019. Elle consistera en une ultime campagne de recherche de 4 semaines supplémentaires sur le site dans les jours à venir et est cofinancée par le BEA et l’AIB son homologue danois. (aerobuzz.fr, photos: BEA)